1a Lisières
La lisière est une frontière qui joue des sensations et des définitions. C’est une frontière épaisse et dense, qui a sa propre vie à la fois indissociable et indépendante des espaces qu’elle délimite. Elle est une zone de transition, de flou, un changement dense dans la trame du paysage. La lisière de la forêt en est l’exemple le plus évident : c’est un passage entre l’ouvert et le fermé, le vide et le plein, le monde des hommes et ceux du sauvage. Mais il existe de nombreuses autres zones de lisières, plus ou moins large et plus ou moins sensible : entre organisations de l’espace (ville/campagne, intérieur/extérieur…), entre ambiances (d’un quartier à un autre, d’un type de végétation à un autre), etc. Certaines lisières sont aussi temporelles, de celles qui se reproduisent jour après jour (aube et crépuscule) à celles qui marquent une vie (entre l’adolescence et l’âge adulte, entre des histoires…). La liste est longue.
Nous trouvons les lisières particulièrement riches comme espaces sensibles. Le seuil qui se franchit à mesure de l’exploration modifie toutes les perceptions et la dynamique du corps. C’est d’autant plus vrai lorsque les sols et le couvert eux-même changent - signe qu’il faut bien garder son attention au ras de la terre, au niveau de notre marche.
Par leurs corps, les existants s’exposent à l’épreuve de la limite. Dans leurs rencontres et transformations réciproques ils ne cessent d’éprouver les limites qui les différencient et les relient les uns aux autres, les inscrivant dans un monde commun.

Sophie Gosselin, David Gé Bartoli,
Le Toucher du monde